Je m’occupe de l’exportation pour Tissage Moutet, une entreprise familiale en Béarn, dans le sud-ouest de la France, qui crée et fabrique du linge de table et de cuisine depuis 150 ans. Nos nappes, serviettes et torchons, tissés en technique Jacquard, sont le fruit d’un savoir-faire très ancien et de designs originaux, innovants et contemporains. Colorés, joyeux, durables et presque indestructibles, ils sont aussi pratiques que décoratifs. J’ai la chance de les vendre en Europe, aux USA et en Asie.
Vendre un produit français dans le monde entier, c’est vendre la France tout entière. Quand j’organise un déplacement sur un salon professionnel ou pour prospecter en direct auprès de boutiques qui revendent nos produits, je prépare à chaque fois des histoires. Le storytelling est de plus en plus important : nos clients ne veulent pas juste acheter un morceau de tissu, mais un objet qui a une histoire, qui raconte quelque chose. Nos produits parlent d’une famille qui tisse depuis 5 générations, une famille qui a commencé son activité en 1874, qui a traversé tout le XXème siècle et a su s’adapter aux exigences d’un nouveau millénaire. Nos produits parlent d’un pays, de ses régions et de sa capitale, du savoir vivre et de l’élégance française. Ils sont l’incarnation de valeurs que la France porte depuis toujours à l’étranger : la qualité, un certain luxe, de la beauté.
En fonction de mes interlocuteurs, j’adapte mon discours. Et j’ai la chance que les produits que je propose et les conditions dans lesquelles ils sont faits me permettent de telles adaptations. Un client allemand va être surtout sensible à la traçabilité et au 100% made in France de mes torchons et de mes nappes. Un Américain va adorer l’histoire de l’entreprise, la persévérance d’une famille qui a su innover à chaque génération et relever maints défis au cours de son histoire. Au Japon, mes clients vont admirer la diversité de mon offre : tabliers adaptables à la taille de son porteur, serviettes en très petit format pour toutes les occasions, très grand choix de designs et de couleurs. Les acheteurs de boutiques de musées de leur côté, dans tous les pays, vont être sensibles au fait qu’un torchon qui reproduit une œuvre d’art est un souvenir idéal : facile à transporter dans une valise, incassable, indéchirable, au même format qu’un poster. Utilisable tous les jours, il garde intact le souvenir d’une visite d’exposition ou de musée.
Cette année, je suis allée à Vienne au printemps, à Munich en été, à New York en octobre et j’irai à Paris et Rome à la fin d’année. J’y ai rencontré des clients réguliers qui ont passé leurs commandes, des nouveaux qui ont spontanément choisi Moutet pour agrandir leur offre en boutique, des clients potentiels, qui me contacteront quand le temps sera venu pour eux de créer un produit personnalisé. Parfois, il faut être patient, ne pas trop pousser, offrir un torchon pour que dans quelques semaines ou quelques mois, mon interlocuteur se souvienne et me contacte. L’essentiel est le lien. Tisser des liens en voyageant beaucoup, en parlant beaucoup et différemment de mes produits, en poursuivant le dialogue après le retour au siège de l’entreprise, en Béarn. Le tissage est une très belle métaphore pour le travail quotidien du responsable export : les liens qu’on tisse avec les autres et la motivation nourrie de curiosité incessante et de la volonté d’aller dans le monde sont selon mon expérience la recette du succès à l’export.
Chez Tissage Moutet, l’export en B2B représente un tiers du chiffre d’affaires, les deux autres tiers sont générés par le B2B en France et le B2C. Et l’entreprise grandit. Quand je suis arrivée il y a 10 ans, nous étions une équipe de 20 personnes, maintenant nous sommes 30. Plusieurs membres de l’équipe ont des profils atypiques, viennent de pays et d’horizons professionnels divers. J’ai moi-même travaillé dans d’autres domaines : l’enseignement du Français dans mon pays d’origine, l’Autriche, la cession de droits dans le monde de l’édition puis dans le domaine des arts graphiques. En arrivant chez Tissage Moutet, je suis passée du texte au textile, et de l’art à l’artisanat. Ce qui m’a permis de créer une collection appelée Toiles de Maîtres, qui contient des torchons, nappes et serviettes basés sur des reproductions d’œuvres d’art. Benjamin Moutet et sa mère Catherine m’ont fait confiance dès notre première rencontre en 2013, alors que je n’avais aucune expérience dans le domaine du tissage. Ce sont aussi mes compétences linguistiques qui les ont convaincus – encore une fois, voyager et créer des liens est plus facile quand on parle la langue de l’autre ! L’entreprise a évolué en 10 ans, et moi avec elle. J’ai tout appris en faisant, en expérimentant et en gardant les yeux ouverts vers le monde.