Depuis que l’homme produit des biens échangeables et que le commerce existe, l’innovation a toujours été au centre des plus belles réussites. Sans remonter à l’époque de la découverte du métier à tisser ou du moteur à explosion, souvenons-nous du berlingot Dop qui a fait le succès de L’Oréal ou du Post-it qui a relancé la multinationale 3M. Plus récemment les technologies numériques et l’arrivée de l’internet ont donné naissance à des millions d’entreprises innovantes proposant des produits ou services inimaginables seulement quelques années auparavant.
Il n’a échappé à personne que depuis longtemps l’innovation est présentée comme un impératif ; à tous les niveaux. Pour les entreprises, quel que soit leur taille ou leur secteur d’activité, si elles veulent résister à une concurrence de plus en plus vive sur des marchés désormais mondialisés. Pour les États qui, par des politiques incitatives, visent des créations d’emplois et le renforcement de la compétitivité de leur économie. Pour les citoyens que nous sommes également, pour qui l’innovation est la réponse au défi climatique et environnemental.
Innover ou disparaître, la formule est plus que jamais d’actualité.
Pourtant, face à cette « ardente obligation », on constate qu’une grande majorité d’entreprises restent passives, notamment les PMI régionales qui font le tissu industriel français. Ni l’enseignement académique des écoles de commerce ou d’ingénieurs, ni les recettes miracles des livres de management, ni les incantations (ou les subsides) des pouvoirs publics, rien de tout cela ne permet à ces entreprises pourtant essentielles de miser sur la carte de l’innovation.
Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, l’expérience des praticiens de terrain peut s’avérer utile. Pour ma part, après plus de 40 ans aux côtés des entreprises, j’ai pu retirer des enseignements sur l’art et la manière de bien conduire une stratégie basée sur l’innovation et me forger quelques certitudes.
En premier lieu, il faut comprendre que l’innovation est tout à la fois une volonté et un état d’esprit. Sans un chef d’entreprise profondément convaincu du rôle majeur de l’innovation, rien n’est possible. A l’écoute permanent des évolutions de son environnement, le dirigeant qui innove sera continuellement à l’affût des changements, des opportunités, sans peur du risque, refusant l’immobilisme et le conservatisme. Ce « dirigeant-entrepreneur » ne se limitera pas à la gestion mais saura se projeter dans l’avenir, avec l’optimisme de ceux qui ne pensent pas que le pire est certain mais que le meilleur est possible. Homme de conviction, il saura aussi être un meneur d’hommes, un « leader », en s’appliquant à mobiliser ses équipes autour de cette stratégie d’innovation.
Pour réussir, il est aussi primordial d’abandonner un certain nombre d’idées reçues et de redéfinir le concept même d’innovation à la lumière des bouleversements technologiques et économiques de ces trente dernières années.
Innovation incrémentale versus innovation de rupture
Comprenons d’abord qu’une stratégie d’innovation ne peut plus seulement viser la mise au point de produits « révolutionnaires », mettant sans dessus dessous le marché et rendant obsolètes tous les autres produits. Ces innovations dites de « rupture » sont trop rares, trop hasardeuses, ou trop coûteuses. L’innovation se pratique aujourd’hui par petites touches, en essayant d’apporter au produit plus de fonctionnalités, plus de performances, ou une meilleure ergonomie. On parle dès lors d’innovation « incrémentale », laquelle englobe également toutes les améliorations apportées aux outils ou procédés de fabrication qui peuvent permettre une baisse des coûts de fabrication ou une amélioration de la durabilité du produit.
L'exemple de l'innovation incrémentale : Apple
Le marché de la téléphonie mobile est la parfaite illustration de cette stratégie d’innovation « incrémentale » adoptée par tous les fabricants. Apple, icône de l’innovation, propose ainsi depuis 20 ans, tous les 12-18 mois, une nouvelle version de son iPhone. Aucune des quatorze versions successives de l’iPhone ne peut être sérieusement considérée comme une innovation de « rupture » et pourtant chacune d’entre elles rend obsolète la version précédente, grâce à une infinité de petites améliorations. Cette intégration permanente d’améliorations constitue une stratégie d’innovation gagnante pour Apple qui vend toujours plus d’iPhone à des prix toujours plus élevés.
Vers une vision de l'innovation à 360°
Autre changement fondamental à comprendre : aujourd’hui l’innovation ne se réduit plus à la seule innovation-produit comme ce fut le cas au cours des années 50 à 90. Désormais, l’innovation se veut à 360° et doit s’appliquer à tous les facteurs de compétitivité de l’entreprise. Le produit bien sûr mais aussi les procédés de fabrication, les méthodes de production, les modes de commercialisation, les services associés au produit, ...
L'importance de l'Open Innovation
Il faudra comprendre enfin que l’innovation au vingt et unième siècle trouve sa réalité dans l’ouverture et la coopération avec des partenaires extérieurs à l’entreprise. La complexité croissante des technologies ne permettant plus à une entreprise, quelque soient ses moyens, d’assurer à elle seule la mise au point de toutes ses innovations, la plupart de ces innovations sont issues de collaborations avec des fournisseurs, clients, sous-traitants, sans parler de la coopération avec des laboratoires de recherche qu’ils soient voisins ou situés à l’autre bout du monde.Plus de syndrome du NIH (Not Invented Here), place à l’Open Innovation qui permet d’innover en toute intelligence, plus vite, plus efficacement, en mobilisant toutes les ressources et expertises existantes.
Mobilisation pour l'innovation : un impératif
C’est fort de cette nouvelle vision de l’innovation (incrémentale, à 360° et collaborative) que le chef d’entreprise devra mobiliser ses équipes pour pouvoir remporter ses premiers succès indispensables à la pérennité de cette stratégie.
Retrouvez la suite de cet article dans notre prochaine lettre ...
Louis Chalanset
louis@chalanset.com
